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Au jardin des échanges => Aux nouvelles, actualité, découvertes => Discussion démarrée par: Izazen le 20 Septembre 2008 à 12:28:22



Titre: Education jeunesse : le bonheur d'être Danois
Posté par: Izazen le 20 Septembre 2008 à 12:28:22
«L'emploi est inscrit dans la scolarité, dès le collège»
Le bonheur d'être danois...


Plusieurs études universitaires montrent que c'est au Danemark que l'on trouve les jeunes Européens les plus heureux. La sociologue Cécile Van de Velde * explique ici pourquoi :

Je trouve ce model d'autonomisation et de responsabilisation de la jeunesse très bon  :)



Le Nouvel Observateur. - En quoi la jeunesse danoise est-elle différente de la jeunesse française ?
Cécile Van de Velde. - Ce qui caractérise la jeunesse danoise, c'est son insouciance. La société dans laquelle évoluent les 20 à 30 ans les autorise à prendre le temps de trouver leur voie par le biais d'une alternance institutionnalisée entre études et emploi. Les Français du même âge vivent cette période dans une forme d'urgence dominée par la crainte de prendre une mauvaise filière. En France, l'idée que tout est joué à 25 ans prévaut. Le choix des études prend une importance primordiale puisque le diplôme reste considéré comme la clé de la réussite à venir. L'intériorisation très forte du poids du diplôme, ajoutée à la peur du chômage, exerce une pression très anxiogène.
Au Danemark, l'emploi est inscrit dans la scolarité dès le collège. Plus de 55% des 15 à 24 ans travaillent, contre 11% chez nous. Les études sont envisagées sur un long parcours entrecoupé de passages en entreprise. On peut avoir un bac+2, s'essayer à plusieurs métiers et retourner à 27 ans à l'université. L'expérience ainsi accumulée compte tout autant que le diplôme et valorise fortement un CV. L'Etat joue un grand rôle dans cette liberté de multiplier les expériences depuis qu'il a opté, dans les années 1980, pour une politique de financement quasi total des études. Dès 18 ans, un étudiant danois bénéficie d'un carnet de bons d'une valeur de 1000 euros chacun qui correspond au coût de six années de formation et que le jeune utilise à sa guise selon qu'il étudie, travaille à temps plein ou partiel. Ces bourses ne sont pas calculées en fonction des ressources familiales, comme en France, où seulement 20% des étudiants bénéficient d'une aide directe de l'Etat.

N. O. - L'autonomie financière dont disposent les jeunes Danois les autorise, écrivez-vous, à partir très tôt du foyer parental.
C. Van de Velde. - A 20 ans en moyenne, contre 23 ans en France et 28 en Espagne. Les Danois quittent leurs parents à la sortie du secondaire. Les Français doivent patienter jusqu'à l'obtention d'un diplôme de fin d'études et bien souvent d'un salaire. Ce départ se fait avec beaucoup de naturel au Danemark, car l'arrêt de la cohabitation avec la famille n'est pas vécue comme une rupture symbolique. Les enfants sont même parfois mis à la porte par les parents. Rester chez ces derniers après 20 ans est mal considéré. A 25 ans, seuls 3% des Danois s'y trouvent encore.
N. O. - Etre contraint de vivre tardivement chez ses parents participe-t-il au mal-être des Français ?
C. Van de Velde. - Forcément. Ils s'en veulent de ne pas pouvoir se débrouiller seuls. Beaucoup éprouvent aussi un sentiment d'échec et de déclassement par rapport à la génération précédente, qui a eu la possibilité plus précocement d'acquérir son indépendance parce que la scolarité était autrefois moins longue et le marché du travail plus ouvert. Comme les Danois, nos jeunes ont un très fort désir d'autonomie. Ici contrarié par l'impossibilité de vite s'émanciper quand on ne vient pas d'un milieu aisé. L'aide au logement, seule aide attribuée à tous, est surtout utilisée par les classes moyennes car, la somme accordée ne suffisant pas à couvrir la totalité d'un loyer, il faut que les parents aient les moyens de compléter. Ceux qui n'ont m bourse m soutien familial font les frais d'une faille dans le système de protection par l'Etat français des 20 à 25 ans : de l'âge de l'arrêt du versement des allocations familiales à celui - en cas de chômage - du droit d'accès au RM.

N. O. - Les jeunes Danois se disent «en attente» de l'avenir. Les Français envisagent celui-ci avec «appréhension». Pourquoi ce pessimisme ?
C. Van de Velde. - Essentiellement à cause de la différence des systèmes pédagogique et d'encouragement à l'autonomie mis en place par les deux pays. Les Danois ont une vision positive et très ascensionnelle de l'avenir. La possibilité qui leur est donnée de se construire sur une longue durée, sans être sanctionnés en cas d'erreur de parcours, accentue leur confiance en eux et prolonge de fait le temps de la jeunesse. Massivement investis de 18 à 23 ou 24 ans dans des études censées aboutir sur un diplôme et aussitôt après sur un emploi, les Français pensent qu'il leur est interdit de louper le coche. Qu'ils n'auront pas le droit à une seconde chance. D'où cette peur, parfois irrationnelle, de l'avenir.

* Auteur de «Devenir adulte : sociologie comparée de la jeunesse en Europe» (PUF).



 

Sylvie Véran
Le Nouvel Observateur